Depuis des années, la donnée est présentée comme le nouvel or noir.
Pourtant, contrairement à une marque, un brevet ou un logiciel, elle n’apparaît pas dans les bilans comptables.

Une contradiction flagrante : la donnée crée de la valeur, mais elle n’est pas reconnue comme un actif.

Alors, que se passerait-il si, demain, la donnée figurait réellement au bilan ?
Et surtout, que faudrait-il pour que ce soit légitime ?

1. La donnée : un actif sans reconnaissance

La donnée répond pourtant à la définition d’un actif immatériel au sens comptable :

“Une ressource contrôlée par l’entreprise, générant des avantages économiques futurs.”

✔️ Elle est contrôlée : collectée, stockée, protégée.
✔️ Elle génère de la valeur : optimisation, performance, nouveaux revenus.
✔️ Elle perdure dans le temps : elle s’enrichit, se réutilise, se transmet.

Et pourtant, elle échappe encore à la comptabilité.
Pourquoi ? Parce qu’elle est :

  • difficile à évaluer : combien vaut une donnée client, un jumeau numérique, un historique machine ?
  • rarement maîtrisée de bout en bout : collecte, usage, mise à jour, obsolescence.
  • souvent fragmentée : éparpillée entre systèmes, services et partenaires.

Résultat : la donnée reste considérée comme une charge IT, rarement comme un levier de création de valeur durable.

2. Si la data entrait au bilan, que changerait-on ?

Imaginons un instant que les données soient reconnues comme un actif amortissable.
Les impacts seraient considérables, à la fois comptables, stratégiques et culturels.

  • Sur le plan financier, les investissements liés à la donnée — catalogage, fiabilisation, gouvernance — pourraient être partiellement capitalisés, plutôt que systématiquement passés en charges.
  • Sur le plan stratégique, les directions financières exigeraient une mesure claire de la “valeur data”, au même titre qu’un portefeuille client, une marque ou un brevet.
  • Sur le plan opérationnel, les entreprises seraient incitées à documenter, fiabiliser et suivre leurs données comme de véritables actifs productifs, et non plus comme des projets techniques.
  • Enfin, sur le plan de la gouvernance, le rôle du Chief Data Officer prendrait une nouvelle dimension : celle d’un garant d’actifs immatériels, aussi essentiel que le DAF pour le capital financier.

En clair, la donnée passerait du statut d’infrastructure au statut de capital.

3. Vers une valorisation de la “maturité data”

Certaines entreprises ont déjà commencé à s’en approcher.

  • Les banques et assureurs fondent leurs modèles de risque sur la fiabilité des données d’entrée.
  • Les industriels mesurent l’impact direct de la donnée sur la performance des équipements ou la réduction des rebuts.
  • Les acteurs du e-commerce pilotent la valeur client (CLV) grâce à la qualité et à la cohérence de leurs données comportementales.

Ces démarches annoncent un futur où la maturité data deviendra un indicateur de valorisation à part entière — au même titre que la satisfaction client ou l’innovation.

4. Comment évaluer la donnée ? Trois leviers concrets

Pour qu’un jour la donnée entre au bilan, il faudra une méthode rigoureuse pour en estimer la valeur économique.
Trois leviers se dessinent déjà :

  1. Valeur d’usage — combien de décisions, de processus ou de revenus reposent sur cette donnée ?

    Exemple : une donnée logistique fiable permet d’optimiser les stocks et d’économiser X € par an.

  2. Valeur de marché — combien vaudrait cette donnée si elle était monétisée ou partagée ?

    Exemple : données clients, capteurs, historiques produits.

  3. Valeur de fiabilité — quel est le coût d’une donnée erronée ?

    Exemple : erreurs de facturation, retours produits, non-conformités.

Ces trois dimensions pourraient converger vers un DataScore :une mesure de la valeur, de la qualité et de la santé du patrimoine data de l’entreprise.

5. De la donnée comptable à la donnée pilotée

Reconnaître la donnée comme un actif ne serait pas qu’un changement de norme — ce serait un changement de culture.

Les entreprises cesseraient de percevoir leurs initiatives data comme des coûts informatiques,
et commenceraient à les considérer comme des investissements de performance.

Elles investiraient dans la fiabilisation, la traçabilité et la valorisation d’usage, et le dialogue entre DAF et CDO deviendrait central : l’un mesure la valeur créée, l’autre la construit.

En somme, la donnée deviendrait un actif à piloter, au même titre que la trésorerie, le capital humain ou les infrastructures.

6. Et demain ?

Les signaux sont clairs :

L’IASB (International Accounting Standards Board) a engagé une révision sur les actifs immatériels, incluant les “nouveaux actifs numériques”.

L’OCDE et plusieurs instituts nationaux explorent la notion de data as capital dans les comptes économiques..

En Europe, l’EFRAG et l’ANC suivent de près ces travaux, conscients que la création de valeur se déplace vers l’immatériel.

Ce n’est donc plus une question de “si”, mais de “quand”.
Et surtout : de comment la mesurer sans la dénaturer.

Conclusion : et si demain, la donnée entrait vraiment au bilan ?

Si demain la donnée entrait au bilan, ce ne serait pas une révolution comptable, mais la reconnaissance d’une évidence : les entreprises créent chaque jour un capital informationnel aussi décisif que leurs actifs matériels.

La donnée n’a pas besoin d’une ligne dans le bilan pour exister : elle a besoin d’être fiabilisée, mesurée et reliée à son impact économique.

Chaque fois qu’une donnée fiable améliore un taux de service, réduit les coûts de non-qualité ou accélère une décision, sa valeur se matérialise déjà dans la performance de l’entreprise.

Alors oui, peut-être qu’un jour, la donnée figurera officiellement au bilan. Mais avant d’y parvenir, les entreprises devront surtout agir comme si c’était déjà le cas : en la pilotant, en la documentant, en prouvant son impact mesurable et reconnu.

Parce qu’au fond, la donnée ne devient un actif que le jour où elle crée — et démontre — sa valeur.

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